Vivre la découverte d’une nouvelle fratrie

Fratrie

À la mort de l’un de leurs parents, certains découvrent qu’ils ont des frères et sœurs dont ils ne connaissaient pas l’existence. Un secret de famille pas si rare, assure Damien Gérard, généalogiste successoral travaillant pour le cabinet Coutot-Roehrig.

Une situation plus fréquente qu’autrefois

Après un décès, dans 2 % des cas, les notaires font appel à un généalogiste successoral pour rechercher les héritiers des défunts. « Il m’arrive régulièrement de retrouver des demi-frères ou des demi-sœurs, explique Damien Gérard, qui exerce ce métier depuis 20 ans. Les divorces sont de plus en plus fréquents et, lorsqu’ils sont conflictuels, il n’est pas rare que les enfants soient en rupture complète avec leur père. C’est la mère qui en a le plus souvent la garde, et le père a parfois refait sa vie, eu d’autres enfants… » Autre facteur pouvant expliquer l’existence de fratries cachées : l’éloignement géographique ou l’allongement de la durée de vie. « En 1900, un homme avait une espérance de vie de 40 ans environ, soit approximativement 20 ans de vie amoureuse, poursuit-il. Aujourd’hui, cette espérance de vie est de 80 ans en moyenne, ce qui laisse trois fois plus de temps pour mener une vie amoureuse, avoir des enfants, refaire sa vie… »

Des secrets qui ne concernent pas que les hommes

Autrefois, ces secrets de famille concernaient aussi les femmes. Il y a encore 60 ans, il était très mal vu qu’une jeune fille tombe enceinte hors mariage : elle accouchait alors en toute discrétion et abandonnait l’enfant aux services sociaux, avant de refonder une famille quelques années plus tard. « Ce cas m’est arrivé l’année dernière, assure le généalogiste. Le notaire a reçu une lettre anonyme lui disant que la dame qui venait de décéder, mariée et mère de quatre enfants, avait eu auparavant deux autres enfants. Il m’a demandé de faire des recherches et je les ai retrouvés. Autrefois, l’accouchement sous X était très rare : même si l’enfant était abandonné, il était reconnu sur l’acte de naissance. »

Des histoires qui finissent plus ou moins bien

Que se passe-t-il lorsque, à 60 ans, on découvre l’existence d’une autre fratrie ? « Les réactions sont très variables, assure Damien Gérard. Quand on a une vie familiale stable, c’est un choc très dur à encaisser : certains sont totalement bouleversés car cela remet en cause les fondations mêmes de leur vie, perturbe aussi le lien affectif avec ce parent qui ne leur a pas dit la vérité… » En revanche, lorsque les enfants ont souffert de ne pas avoir de famille, ils sont souvent très heureux de savoir qu’ils en ont une. « J’ai par exemple permis à un demi-frère et à une demi-sœur de se rencontrer, se souvient le « chasseur d’héritiers ». Leur mère les avait abandonnés tous les deux et ils avaient été placés dans des familles d’accueil différentes. Toute leur vie, ils avaient été en quête de racines. Se retrouver les a beaucoup apaisés. »

Trois conseils pour encaisser le choc

Il est tout à fait normal de ressentir de la colère, de la tristesse… Votre monde s’écroule, et en plus de devoir encaisser une nouvelle pour le moins surprenante, vous devez aussi gérer la disparition d’un être cher qui laisse derrière lui beaucoup de questions non résolues.

Même enfouis, les secrets de famille sont souvent pesants. Considérez l’ouverture de la succession comme l’occasion de sortir des non-dits, de reprendre possession de votre histoire.

« Mieux vaut échanger, même si cela est difficile, assure Damien Gérard. Je conseille souvent d’écrire un courrier à ce demi-frère ou à cette demi-sœur, pour expliquer dans quelles dispositions on se trouve… Aller sonner à une porte, c’est tout de même très violent. » Vous n’êtes pas obligé de nouer des liens par la suite, mais vous pourrez au moins faire votre choix en connaissance de cause.