Témoignage : « Mes enfants sont orphelins de père »

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Marie, 36 ans, a brutalement perdu son compagnon il y a un peu plus de deux ans. Mère de deux enfants âgés de 13 et 7 ans, elle raconte son difficile parcours face au deuil qui a touché sa famille.

Je suis veuve depuis plus de deux ans et encore aujourd’hui j’ai du mal à utiliser ce mot. Jamais je n’aurais pensé être confrontée à cette situation à mon âge, avec des enfants si jeunes. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut anticiper, prévoir. Personne ne peut se préparer à une telle épreuve, me semble-t-il. Mon mari était le pilier de notre famille, je me suis retrouvée complètement désœuvrée et, au-delà de l’immense peine ressentie, j’ai dû affronter une situation matérielle et émotionnelle nouvelle, notamment vis-à-vis de mes enfants.

Des démarches parfois compliquées

Je n’aurais jamais imaginé à quel point perdre l’amour de ma vie allait me mettre dans une situation administrative extrêmement complexe. Le plus dur pour moi a été de saisir le juge des tutelles. Cette démarche est obligatoire pour tous les enfants qui se retrouvent orphelins de père ou de mère, et elle a uniquement pour but de préserver les enfants mineurs sur le plan matériel, je le sais bien. Néanmoins, je me suis sentie un peu dépossédée de mon rôle de parent, un peu jugée aussi car je devais rendre des comptes, et, même si le juge m’a désignée « tutrice » de mes enfants (ce n’est pas toujours le cas, ndlr), j’avoue conserver une certaine amertume quand je repense à cette période. D’un point de vue matériel, le deuil est difficile car on se retrouve parent solo, avec tout ce que cela implique.

Une période de deuil indispensable

Il y a souvent beaucoup de gêne autour du deuil, et plus encore lorsque les enfants sont encore jeunes. Ma fille avait seulement 5 ans quand son papa est mort et je me suis rendu compte assez rapidement que cela avait modifié sa relation aux autres. J’ai eu notamment l’impression qu’elle avait été mise davantage à l’écart ; elle était moins souvent invitée à jouer chez une amie ou à participer à un anniversaire, par exemple. J’en ai parlé à sa maîtresse bien sûr, qui a laissé les enfants s’exprimer en classe. Mais je crois que ce sont surtout les parents qui bloquaient. Aujourd’hui, ma puce a retrouvé un groupe d’amis, les choses se sont apaisées.

Une reconstruction lente

Deux ans après, s’il y a un message que j’aimerais faire passer aux personnes qui se retrouvent dans ma situation, c’est de laisser le temps au temps. Je pense aussi qu’il y a forcément des tâtonnements. Vu de l’extérieur, deux ans, c’est peut-être beaucoup, mais pour nous, le décès est encore très proche. Nous avons dû chacun réapprendre à vivre avec le manque mais aussi avec nos nouvelles places au sein de la famille. Mon fils de 13 ans a voulu endosser le rôle de son papa et il a fallu que je le rassure beaucoup pour qu’il retrouve sa place d’enfant. La première année a été très difficile aussi, car tout ce que nous faisions nous rappelait l’absence de papa : les fêtes, les vacances, la kermesse de l’école… Cette deuxième année, nous commençons tout juste à nous habituer à la nouvelle « forme » de notre famille. 

Se faire aider au quotidien

Quand on devient parent d’un ou de plusieurs enfants orphelins, on se retrouve forcément isolé, sur le plan personnel notamment. Un grand nombre de personnes de l’entourage n’osent pas se manifester, alors que leur présence serait un soutien de taille. Il ne faut pas hésiter à les solliciter en exprimant clairement ses besoins (garde des enfants, par exemple). Si on a besoin d’une écoute, on peut aussi se rapprocher d’une association spécialisée dans le deuil, comme la Fédération européenne Vivre son deuil et consulter le site de la Fondation OCIRP qui soutient des actions pour les enfants et jeunes orphelins.