Les devoirs de l’entreprise face au décès d’un collaborateur

Entreprise

En cas d’accident du travail mortel, le chef d’entreprise est dans l’obligation d’effectuer plusieurs démarches, puis passe le relais à la Sécurité sociale, sauf si sa responsabilité est engagée pénalement.

Quand l’un de ses salariés décède, la première question qui se pose pour le chef d’entreprise est de savoir s’il s’agit ou non d’un accident du travail. Dans la négative, l’employeur n’a pas de démarche spécifique à faire ; il doit simplement avertir les différents organismes sociaux (Urssaf, caisse de retraite, etc.) et verser à la famille ou au notaire chargé de la succession tout ce que l’entreprise devait au salarié au moment de sa mort : salaires et primes au prorata du temps de présence, liquidation anticipée des droits en matière d’épargne salariale, attestation de salaire pour le calcul du capital décès, qui sera versé par la Caisse d’assurance maladie…

Une rente en cas d’accident du travail

Si, en revanche, le collaborateur est décédé sur le lieu de travail, l’entreprise doit, dans les 48 heures, en informer le CHSCT (institution représentative du personnel spécialisée dans les règles de santé et de sécurité au travail ainsi que dans les conditions de travail), qui mènera une enquête sur les causes réelles du décès, puis rédigera un rapport. Elle doit aussi faire une déclaration d’accident du travail auprès de la Caisse d’assurance maladie dont dépendait le salarié. En effet, les ayants droit de ce dernier peuvent bénéficier d’une rente au titre de l’assurance accident du travail et maladie professionnelle. Versée par la Sécurité sociale, cette rente, qui ne peut excéder 85 % du salaire annuel du défunt, concerne en priorité le conjoint survivant. Ce dernier peut bénéficier d’une rente de 40 %, qu’il soit marié, pacsé ou, même, juste concubin (à condition d’avoir été en couple au moins pendant deux ans avant la date du décès). Les enfants du salarié décédé y ont également droit jusqu’à l’âge de 20 ans (25 % du salaire annuel par enfant si le défunt avait un ou deux enfants, 20 % à partir de trois enfants) et, dans certains cas, les parents.

Si le décès est lié à une faute de l’entreprise, jugée « intentionnelle » ou « inexcusable », la responsabilité pénale de cette dernière et de certains de ses dirigeants peut être engagée et la justice saisie.

La hantise des suicides en série

Pendant longtemps, les chefs d‘entreprise ont surtout redouté les accidents liés à certains dangers physiques, allant des risques de chute à la manipulation de produits toxiques. Aujourd’hui, le stress, le burn out et autres risques psychosociaux font aussi partie des préoccupations des DRH. Plusieurs entreprises ont fait face, dans un passé récent, à des suicides en série, qui ont fait peser des doutes sur les conditions de travail.

Le constructeur automobile Renault a ainsi connu plusieurs vagues de suicides, l’une en 2006 et 2007, puis récemment (une dizaine entre 2013 et 2017). Les syndicats ont mis en cause les cadences de plus en plus soutenues, l’épuisement professionnel, le recours massif à l’intérim… La direction de Renault s’est refusée à faire le lien avec les conditions de travail, mais elle a sans doute été incitée à agir contre ce fléau. Comme à EDF, à La Poste et, bien entendu, dans le cas gravissime de France Telecom, devenue l’emblème de la souffrance au travail.

Cas France Telecom

Après le suicide de dizaines de salariés de France Telecom, intervenu entre 2006 et 2010, qui avait lancé un plan de réduction massif d’emplois et imposé un changement brutal de métier à 10 000 employés, deux syndicats ont porté plainte contre les dirigeants pour harcèlement moral. Lors du procès en mai 2019, le parquet a requis contre eux un an de prison et 15 000 € d’amende. Ce procès historique pourrait faire jurisprudence, alors que d’autres groupes (Renault, EDF, La Poste…) ont eux aussi connu des suicides en série. Les spécialistes de la souffrance au travail espèrent qu’il fera sortir les managers du déni, leur conseillant, face à un cas de suicide, de ne pas stigmatiser l’acte du salarié et d’offrir aussitôt une aide psychologique à ses collègues pour éviter la contagion, avant de créer une cellule capable de remonter aux sources du malaise.